Un conte de Noël

A la santé de cet imbécile de Barnabousse !

Avertissement

Suite à des circonstances qu’il ne nous est pas permis de détailler, nous nous sommes retrouvés contraints de publier les œuvres de M. Humbert, le riche entrepreneur bien connu.

Ce « Conte » du jeune milliardaire, contient assez de détails sur sa personne, son éducation, ses mœurs, etc., pour que nous nous sentions dispensés de placer en tête de ce texte, manifestement inspiré et pour ainsi dire pastiche, une notice biographique et bibliographique.

LLP

La pauvre styliste

1

Il était une fois une pauvre créatrice de mode dont les vêtements étaient cools mais les revenus moins.

Elle était plongée dans des océans de désespoir et se morfondait sur son triste sort ; elle en arrivait même parfois à nier les bienfaits du libéralisme et les doctrines de John Stuart Mills.

Pourtant, il n’en avait pas toujours été ainsi. Quelques années avant les Jeux Olympiques de Paris, en 2024, elle possédait une éblouissante boutique dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés et un élégant héritier pour compagnon. Sa clientèle était surtout composée de femmes bobos ou boubous, attirées par la notoriété du concubin qui s’assurait que la styliste menait grand train ; les bobos la traitait poliment et achetaient parfois, les boubous la prenaient de haut et achetaient rarement.

Néanmoins, l’heureuse styliste nageait dans l’abondance. Elle habitait le dernier étage en duplex d’un cossu immeuble du septième arrondissement sis rue de Bellechasse ; elle donnait chaque jour ses rendez-vous au Shangri-La ou au Meurice et partait en vacances huit semaines par an.

Mais, peu à peu, sa clientèle s’éloigna, la jeunesse et finalement son riche compagnon en firent autant. Les boubous, trop vieilles sans doute, moururent ; les bobos, ruinées par leurs employeurs, achetèrent leurs vêtements dans les grandes chaines de prêt-à-porter ; son compagnon, qu’elle n’avait jamais voulu épouser pour être une femme moderne qui se moque des conventions et ne veut pas s’enchainer, trouva une nouvelle jeune fille à peine éclose à entretenir. La pauvre styliste s’efforça alors de se prouver et surtout de prouver au monde qu’elle était forte, qu’elle n’avait besoin de personne pour réussir et que son talent la porterait au travers des difficultés. Comme tant de femmes modernes, elle mènerait de front sa carrière professionnelle à succès et son enrichissante vie de mère célibataire. Elle se coupa les cheveux et dépensa le peu qui lui restait à renouveler sa collection. Cependant, les affaires ne s’arrangeaient pas, la vendeuse et l’assistante styliste furent remerciées et l’appartement de la rue de Bellechasse abandonné pour un 3 pièces à Issy-les-moulineaux, payé avec la pension de sa fille.

2

Car la pauvre styliste avait eu une fille de son ex-compagnon. C’était surtout elle qui l’avait voulu et il lui avait cédé comme à un caprice de plus. Dolores, terminait l’école primaire et la styliste décida de se passer de nourrice. Désormais, sa fille passait ses soirées à la boutique que la styliste ne fermait plus qu’à 20h30 – et non plus à 19h comme aux temps fastes. Bientôt, la petite devint la principale attraction de la boutique et les hommes comme les femmes appréciaient sa beauté et son ingénuité. Seule source de gloire de sa mère, la petite n’en jurait pas moins que par son père qui la couvrait de cadeaux et cédait à tous ses caprices afin de compenser l’image déplorable que la mère s’efforçait de peindre de lui dans l’esprit de la fille.

C’est à cette époque que la pauvre styliste s’essaya au lesbianisme, afin de se libérer de l’oppression masculine responsable de tous les malheurs des femmes qui n’avaient de toute façon pas besoin d’eux maintenant qu’elles avaient le séroplex et la PMA. C’est ainsi qu’elle inculqua à sa fille les valeurs du travail bien fait, de l’argent gagné à la sueur de son front, de la méritocratie et de l’égalité.

3

Un jour, en effet, M. Humbert (je préfère parler de moi à la troisième personne, c’est plus convenable), M. Humbert dis-je, amant des lieux solitaires, doux rêveur crépusculaire, vint errer devant la boutique.

M. Humbert était mal vêtu, selon sa coutume d’alors, et fort timide, en dépit de sa richesse incalculable ; et, s’il s’arrêta devant la boutique de la pauvre styliste, ce n’est pas tant parce que celle-ci se tenait sur le bas de la porte, mais parce qu’il entrevit le doux profil de Dolores et qu’il en devint amoureux fou.

Il revint le lendemain, et surmontant sa timidité, commanda une robe pour sa nièce de 16 ans, bien qu’il était fils unique. Il engagea la conversation avec la styliste dilatée de joie :

« Quel beau temps avons-nous aujourd’hui, n’est ce pas, mademoiselle ? »

(Il pleuvait abominablement)

« Comment vont les affaires ?

– Plutôt bien… Je ne demanderais qu’un coup de pouce pour retrouver le haut du pavé.

– Bien vrai ? Hé bien, je vous commandite ! Voici un million d’euros que je place dans votre affaire, vous me servirez l’intérêt à votre guise. »

L’affaire fût réalisée en quelques jours et déboucha sur une invitation à dîner à quelques semaines.

4

M. Humbert avait bien fait les choses et avait réservé toute la Tour d’argent. Les mets et vins raffinés se succédaient et montaient à la tête de la pauvre styliste. Elle ne tarda pas à trouver des traits séduisants à son nouvel admirateur qui avait la perspicacité d’apprécier ses charmes mûrs. Ivre de satisfaction et d’alcool, la pauvre styliste se sentait retournée à la place naturelle que lui avait attribuée la vie, en récompense de tous ses efforts, de ses souffrances et de son courage.

« Je suis amoureux de votre fille.

– C’est vrai qu’elle est charmante, mais l’adolescence pointe son nez et avec elle l’angoisse de toutes les mères…

– Comprenez-moi bien, je désire ardemment votre fille.

La jeune styliste blêmit.

– Vous êtes un porc ! Ne vous avisez plus jamais de vous approcher d’elle, si vous touchez ne serait-ce qu’à un de ses cheveux, je…

– Vous ferez quoi ? Vous ne ferez rien du tout. Votre emménagement rue d’Assas s’est-il bien passé ? Comment me rembourseriez-vous le million d’euros que vous me devez ? Vous ne souhaiteriez pas que les huissiers s’invitent à la boutique, n’est-ce pas ? Et puis, vous savez comme je peux être généreux. Votre fille ne manquera plus jamais de rien.

La pauvre styliste était ivre, hagarde. Elle ne dît plus mot.

M. Humbert convint d’un rendez-vous avec la pauvre styliste et sa fille le mercredi après-midi dans la suite du Ritz qu’il occupait pendant son séjour à Paris – la mère sortirait quelques heures se trouver un bijou sur la place, avant de revenir chercher sa fille.

Bien aidée par le séroplex qu’elle prenait désormais matin et soir, la pauvre styliste ne dessaoula pas jusqu’au jour fatidique ; elle se répandait en effusions de tendresse et couvrait sa fille de cadeaux. Celle-ci ne laissa pas passer l’aubaine et se fît acheter le dernier iPhone. Chaque heure était l’occasion d’un post, les photographies avec des sacs de luxe succédaient à celles des plats des restaurants à la mode. Les comptes Insta de la mère et de la fille n’avaient jamais reçus autant de likes.

Le jour fatidique arriva. La mère riait sans discontinuer, nerveusement. Dolores semblait étonnement bien comprendre de quoi il retournait et, lorsqu’elle se trouva seule avec M. Humbert, elle adopta tout naturellement des attitudes séductrices qu’elle ne comprenait pas bien mais qu’elle maitrisait parfaitement pour les avoir vues et revues sur des vidéogrammes pornographiques qu’elle regardait abondamment depuis des années. M. Humbert fût fort satisfait des talents de sa jeune pupille et fort contrarié de son attitude si maitrisée ; il cherchait l’innocence et, hormis la douleur physique évidente qu’il lui avait causée et qui était son plus grand plaisir, il n’avait trouvé que cynisme voire professionnalisme. Dépité, et cherchant désespérément un moyen de souiller cette vierge pourtant si peu pure, il lui fit manger des billets de banques, la faisant longuement mâcher et avaler un par un, et s’aventura à d’autres perversion que la décence nous interdit de rapporter. Finalement vite lassé et un peu déçu, il la quitta en déclarant « N’oublie jamais que tu me dois tout, et quand, après des années de silence pendant lesquelles tu profiteras de l’argent que je te donne, tu décideras d’obtenir une célébrité en souillant la mémoire du prodigue monsieur Humbert, alors cette médiocre célébrité, tu me la devras encore. »

5

Le père de la jeune fille ne tarda pas à apprendre la chose par l’intermédiaire de la mère que le xanax rendait loquace. Il chercha donc, fou de colère, à régler son compte à M. Humbert et se fît rosser par ses hommes de main. Le ressouvenir de la douleur générée par le broiement de ses os, aida le père à respecter le désir de sa fille de garder l’affaire secrète. Ainsi personne n’en sût rien pendant des années.

Quand, dix ans plus tard, après s’être brouillée avec sa mère, la jeune fille eût besoin d’argent, elle intenta un procès au célèbre David Ostwald Humbert. L’affaire fît grand bruit et permit à la jeune fille de lancer sa carrière à la télévision. Bientôt un film fût tourné à grands frais subventionnés par l’argent public et la jeune Dolores devint l’actrice, l’artiste, l’étoile qu’elle avait toujours su qu’elle deviendrai. Quand, au triomphe de sa gloire, sur la scène des Césars, elle dût prononcer un discours de remerciement, elle ne put déclarer que « A la santé de cet imbécile d’Humbert ! »

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