C’est la Rentrée, passons aux choses sérieuses ! Acceptons l’Invitation au supplice !
Le ciel s’assombrit, les journées déclinent, la pluie barrent les rues, votre nez coule… LLP vous apporte la Lumière ! Capturée sur des pages dont elle jaillit comme le feu !
N’imaginez pas derrière le titre une énième variation sadienne qui réjouirait mon vice. Le supplice ici est, pour parler comme un lètreux, kafkaïen. Un supplice dont on ignore la date, pour une condamnation dont les motifs sont si vagues qu’elle en devient absurde, et pousse l’accusé à chercher sa faute, à démarrer la perceuse de la culpabilité. N’allez pas non plus imaginer un roman policier, l’énigme n’est pas dans l’enquête. Le principal reproche adressé à Cincinnatus C… reste tout à fait abstrait : on lui reproche en somme son manque d’uniformité – en cela on retrouve quelque chose de Kafka, quelque chose que je ne pourrais mieux exprimer qu’en citant Kundera :
L’arpenteur K. n’est pas à la recherche d’une fraternité mais à la recherche désespérée d’une uni-forme. Sans cette uni-forme, sans l’uniforme d’employé, il n’a pas le “contact avec le réel”, il donne l’ “impression d’irréalité”.(…) Quand un phénomène devient général, quotidien, omniprésent, on le distingue plus. Dans l’euphorie de leur vie uniforme, les gens ne voient plus l’uniforme qu’ils portent.
Cincinnatus n’endosse pas l’uniforme, il trahit donc.
Le récit se déroule dans une prison enchantée, prise dans une densité d’imagination que j’aurais peine à décrire, aux antipodes du reportage. C’est un roman qui assume la poésie, un roman saturé de poésie – un roman de Nabokov.
Voyez vous-mêmes la lumière jaillir des ténèbres :
Il remarqua soudain l’expression des yeux de Cécile C… Cela ne dura qu’un éclair, oh ! un seul éclair ! – mais il eut l’impression confuse que quelque chose de réel, d’indiscutable ( dans ce monde où tout méritait qu’on en doutât ) venait de se passer, à croire vraiment que l’ourlet de cette vie horrible se soulevait pour dévoiler un bref instant la doublure.
Et comme ça à longueur de pages ! Mon folio de 1972 en compte 251.