Atlas shrugged
“Do you wonder why you live without dignity, love without fire and die without resistance? Do you wonder why, wherever you look, you see nothing but unanswerable questions, why your life is torn by impossible conflicts, why you spend it straddling irrational fences to evade artificial choices, such as soul or body, mind or heart, security or freedom, private profit or public good?

Épisode 1
Le matin ensoleillé représente le moment de poésie de Lucien, il aime sortir avec une grande tasse de café à l’eau, regarder les insectes s’ébrouer entre ombre et lumière au pied des arbustes. Ce matin, il s’est installé sur le gazon d’un petit parc avec un livre sur le chamanisme, à la recherche de réponses que l’humanité a toujours cherchées. A sa gauche, deux femmes dénotent de la population du quartier, elles sont blondes, grandes, bien habillées. Bientôt, la plus âgée vient à la rencontre de Lucien pour lui demander des adresses ; elle lui explique avec un fort accent étranger qu’elle est en vacances avec sa fille. La discussion se poursuit autour de voyages et de cuisine, puis de théâtre et de livres quand le regard de la mère glisse du livre au visage de Lucien “Que cherches-tu dans le chamanisme ? – Quelque chose de nouveau, un autre regard sur la vie. – Ce que tu vois, ce que tu vis ici et maintenant ne te suffit pas ? – Si, mais pour quoi faire ? Ne sommes-nous que des fourmis exécutant le plan de survie de la collectivité ? Ou bien des limaces qui bavent sans but, et pour laisser quelle trace ? – Ou des chenilles qui deviendront papillons ?… Je comprends tes questions. Mais alors tu ne crois pas à la raison ni à la science ? Tu penses que John Galt se trompe ?- John Quiça ? – Galt, John Galt, un homme inspirant qui croyait que le monde pouvait être compris à l’aide de la raison. »
Lucien me raconte cette anecdote quelques jours plus tard et me demande s’il devrait lire l’histoire de John Galt. Je me souviens d’un très long livre, un curieux bouquin qui n’a peur de rien, américain, que mon libéral professeur d’économie tenait pour référence primordiale. « Écoute Lucien, je ne sais même pas si elle a été traduite ni comment, je vais chercher mes notes et te raconter directement l’histoire avec mes souvenirs d’étudiants, tu verras si tu veux te lancer à la conquête de milles pages de l’ouest. » Lo prometido es deuda, alors voici.
Qui est John Galt ? La question, comme les États-Unis du XXe siècle, remue aujourd’hui la France – même si elle ne le sait pas encore. Lancé à pleine vapeur vers la faillite sur des chemins-de-fer en grève, le pays phénix attend, sachant d’expérience que seul l’atterrissage compte. Des tréfonds de la nation, cette question monte comme la formulation symbolique du désespoir d’une société en déclin. Qui est John Galt ? – Ne pose pas de questions auxquelles personne ne peut répondre. Une vieille bourgeoise prétend dans un coquetèle mondain, qu’il est un ami d’un vieil ami d’une grande-tante, un millionnaire, un homme d’une inestimable fortune ; une nuit qu’il manœuvrait son yacht au milieu de l’Atlantique à travers la pire tempête qui n’avait jamais ravagé le monde, il avait trouvé l’Atlantide, et en était seul revenu, avec le vieil ami de la grande-tante. Un clochard dans un café dit le connaître : il est le plus grand explorateur qui n’ait jamais vécu, l’homme qui a trouvé la fontaine de jouvence qu’il a passé des années à chercher, traversant les océans et les déserts, descendant dans les mines oubliées des lieues sous la terre, mais la trouvant finalement en haut d’une montagne qu’il a pris dix ans à grimper, cassant ses os et déchirant la peau de ses mains, perdant sa maison, son nom et son amour ; mais il l’a trouvé, la fontaine de jouvence qu’il voulait rapporter aux hommes ! seulement, il n’est jamais revenu, car il a découvert qu’elle ne pouvait être versée. John Galt est le nom donné par un jeune entrepreneur à une ligne de chemin de fer au Colorado. Un éminent scientifique déclare confidentiellement dans son bureau à l’université qu’il a connu un John Galt, mais qu’il serait mort depuis longtemps car il avait un tel esprit que s’il vivait encore, le monde entier parlerait de lui. En effet, tout le monde semble le connaître mais personne ne raconte la même histoire à son sujet. La version d’un richissime héritier argentin est que John Galt est Prométhée changeant d’avis : après des siècles lacéré par les vautours pour avoir remis aux hommes le feu des dieux, il a rompu ses chaines et a retiré son feu, jusqu’au jour où les hommes retireraient leurs vautours. Un ancien ouvrier raconte qu’il avait connu quelqu’un qui portait ce nom, ce John Galt s’était seul levé quand le nouveau directeur avait déclaré qu’aucun membre de l’usine ne quitterait l’endroit, car chacun appartenait aux autres par la loi morale qu’ils acceptaient tous ; il avait refusé et s’était levé, se tenant droit comme s’il savait qu’il avait raison, et avait déclaré qu’il mettrait fin à tout ceci, une bonne fois pour toute, d’une voix claire sans sentiment, qu’il arrêterait le moteur du monde.
Au-delà de toutes ces légendes, il semble être un héros pour une partie de l’Amérique que les européens connaissent mal. En France, aujourd’hui, il est encore un nom confidentiel, un mot-de-passe, un clin d’œil entre initiés – mais combien savent qu’il a réellement existé ? John Galt était le fils d’un pompiste d’un carrefour abandonné de l’Ohio ; à l’âge de douze ans il quitta la maison, pour faire son propre chemin. Il avait rencontré ses amis pour la vie dans une des meilleures universités du pays, le richissime héritier argentin et un aristocrate européen. Ils passaient de long soirs face au lac, dans le jardin du professeur de philosophie qui allait bientôt s’inquiéter pour l’avenir de ses élèves favoris, les meilleurs qu’il n’avait jamais connu. Le monde semblait avoir pour but de détruire ces enfants, mais ceci serait une autre histoire.
